Comment en finir avec les partis politiques ?

Comment en finir avec les partis politiques ?

La critique des partis politiques est ancienne comme… les partis politiques. En 1910 Robert Michels énonce la « loi d’airain des partis politiques », voués à dégénérer en appareils bureaucratiques. Et en 1940 Simone Weil publie sa « note sur la suppression générale des partis politiques » qui dénonce l’uniformisation idéologique et la pression organisées sur ses membres des partis pour qu’ils se comportent comme des petits soldats.

Le débat rebondit aujourd’hui avec la vidéo de Tatiana Jarzabek du Fil d’Actu, qui à partir de sa propre expérience dénonce les mécanismes des partis politiques, conduisant à un double échec : échec externe, avec une coupure entre les militants et les gens ordinaires, et échec interne avec un véritable « harcèlement moral » exercé sur les militants remettant en cause les dysfonctionnements.

Et pourtant, nous avons bien besoin de structures collectives pour nous organiser face aux puissances de l’argent qui dominent la planète ! Nous avons bien besoin de présenter des candidats aux élections pour ne pas laisser les politiciens pourris dominer le paysage politique. Et trop de listes électorales dites « citoyennes » sont en réalité des partis déguisés sans statuts clairs, et donc encore plus propices à des manipulations.

Tout l’enjeu du débat est donc de trouver des solutions concrètes pour passer du régime des partis politiques à celui des mouvements citoyens, qui devront obligatoirement respecter des critères précis pour ne pas reproduire les tares des partis. Cet article constitue une première contribution à ce débat.

Selon moi, les 3 principales tares à éliminer des organisations politiques peuvent se résumer ainsi :

Tare numéro 1 : le sectarisme. Dans sa vidéo, Tatiana Jarzabek dénonce le « harcèlement moral » dont elle a été la victime. Au sein des partis politiques, l’esprit de « parti » et la certitude d’avoir raison contre le reste du monde conduisent les militants à fermer les yeux sur les pressions dont ils sont victimes. Trop souvent au nom de son idéal, le militant oublie qu’il n’est qu’une « petite main » ou un « colleur d’affiches » bénévole pendant que ses chefs eux sont payés pour passer à la télévision. Et même dans les petites organisations, le confort de l’entre-soi conduit les membres à se replier sur eux-mêmes et à exclure les voix discordantes. On observe également parfois des phénomènes agressifs de la part des minorités menant à des débats internes incessants. Toute cette violence symbolique ou parfois physique que s’infligent les militants est le corollaire de l’illusion consistant à vouloir à tout prix imposer un point de vue particulier comme étant le seul possible.

Solution proposée : une véritable démocratie interne, avec une transparence totale de l’information, des débats et des votes organisés régulièrement, l’application stricte des décisions majoritaires, et des instances de contrôle des statuts tirées au sort. L’organisation interne doit être un laboratoire des idées prônées pour changer la société.

Tare numéro 2 : la bureaucratisation. Pour fonctionner, toute structure même parfaitement démocratique a besoin d’une « équipe d’animation », d’un « bureau national » pour assurer l’intendance. Dans les associations sans enjeu de pouvoir, il s’agit de tâches purement bénévoles et c’est donc généralement les personnes les plus investies et les plus dévouées qui postulent à ces tâches ingrates. Et ces responsables ont pour mission de former des membres pour les aider ou les remplacer. En revanche dans des structures en capacité d’avoir des salariés permanents et/ou des élus, et donc de fournir des postes rémunérés, les personnes qui sont à la direction, ou celles qui luttent pour y parvenir, le font de manière intéressée. Pour ces apparatchiks, la politique n’est pas un combat d’idées mais un métier, et il faut cumuler au maximum les postes afin d’éliminer de potentiels rivaux et de conserver sa gamelle. C’est la « guerre des places » qui conduit à garder au pouvoir les profils les plus lisses et dociles, au détriment des personnalités originales et innovantes.

Solution proposée: mettre fin à la professionnalisation de la politique en instaurant le mandat unique et la révocalité, que ce soit dans les assemblées de la République ou dans les responsabilités internes à l’organisation.

Tare numéro 3 : l’élitisme intellectuel. On l’a dit, la principale utilité d’un parti politique est d’aider ses membres à s’organiser. Le militant politique apprend à organiser une réunion, planifier des actions, prendre la parole en public,… Mais malheureusement trop souvent, le militant politique croit être devenu supérieur « intellectuellement », et tend à se considérer comme une avant-garde éclairée qui serait en avance sur le grand public. Ceci est une erreur totale : non seulement la formation idéologique fournie par les partis politiques est souvent incomplète, et constitue en réalité une « dé-formation », mais qui plus est l’attitude élitiste détourne le militant de son objectif premier qui était de convaincre le plus grand nombre. C’est pourquoi on peut affirmer qu’un militant politique « dé-formé » se trompe tout le temps, même quand il a raison. En effet, il aura tendance à exprimer son avis avec un langage et des codes excluants, méprisants et donc au final à faire perdre des voix à son camp politique.

Solution proposée : l’ouverture maximale aux citoyens partageant des lignes politiques clairement définies, que ce soit dans les réunions internes ou dans les listes présentées aux élections. Et rappeler sans cesse la politique ne doit pas se faire pour les gens, mais par et avec eux.

Seules les organisations politiques cumulant au minimum ces trois conditions – démocratie interne, non-professionnalisation, ouverture aux citoyens non-encartés – (liste non exhaustive !) peuvent se targuer d’être de véritables « mouvements citoyens », et espérer échapper aux tares des partis. D’ores et déjà, nous savons que de nombreux mouvements citoyens émergent partout en France et mettent en œuvre ces solutions de bon sens pour réinventer le Politique. Oui, le défi est immense, mais il ne tient qu’à nous de le relever !

Ramzi

Collectif Citoyens Souverains
citoyenssouverains@gmail.com
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