Pourquoi les insoumis utilisent le drapeau tricolore

Pourquoi les insoumis utilisent le drapeau tricolore

« Vos symboles nationaux sont plus facilement appropriables à travers un discours progressiste. J’adorerais avoir un hymne national comme la Marseillaise, je n’arrêterais pas de le chanter si c’était le cas ! » Inigo Errejon, numéro 2 de Podemos1

Lors de la campagne présidentielle, l’usage ostentatoire fait par la France Insoumise du drapeau bleu-blanc-rouge a marqué les esprits – notamment lors du meeting du 18 mars. Et certains commentateurs2 y ont même vu un des ressorts majeurs de la percée de Jean-Luc Mélenchon à 20% des voix. Mais quel sens donnons-nous à notre drapeau et aux emblèmes de la France ?

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Nous n’allons pas revenir sur l’histoire du choix des trois couleurs (rouge et bleu de Paris – le peuple donc – et blanc de la monarchie). Par contre, ce qu’il faut souligner c’est l’importance de l’irruption de ce drapeau dans notre histoire. Sous la monarchie absolue, point d’étendard national puisqu’il n’existe pas de nation. Les seuls étendards sont ceux des régiments.

La cocarde, bleue et rouge dans un premier temps puis bleue blanc rouge est arborée dès juillet 1789, d’abord par la Garde nationale, institution révolutionnaire instaurée pour faire face « au complot aristocratique » lors du renvoi de Necker et de la mobilisation par le Roi de troupes autour de Paris. La bourgeoisie qui la commande craint également la mobilisation du peuple. La cocarde est ensuite reprise comme emblème par les révolutionnaires. Arboré le 14 juillet 1790 lors de la fête de la Fédération, fête de l’union nationale, le drapeau tricolore s’est progressivement imposé, y compris lors des épisodes de restauration contre les tentatives de retour au drapeau blanc, symbole de la nation contre la monarchie.

C’est donc la Révolution qui chez nous a créé la Nation. Cette conception française de la Nation, entendue comme une communauté politique en charge de son propre gouvernement, unie autour du projet Liberté-Egalité-Fraternité et rassemblant des individus sans égard pour leur origine, s’oppose à une vision « essentialiste » ou identitaire de la communauté nationale qui est portée par exemple en Allemagne.

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Sous la 3è République, le drapeau tricolore est revendiqué à la fois par l’extrême droite belliciste et par la bourgeoisie républicaine au pouvoir qui l’instrumentalise à des fins colonialistes sous le prétexte d’une mission civilisatrice de la République. Mais dès cette époque, le coup de génie d’un Jean Jaurès est de revendiquer l’usage des symboles nationaux par le mouvement ouvrier, afin de rassembler la majorité des Français derrière un projet de République sociale et de fraternité entre les peuples. Pour Jaurès, patriotisme et internationalisme sont intimement liés : « réaliser l’unité humaine par la subordination de toutes les patries à une seule. » explique-t-il, « serait un césarisme monstrueux, un impérialisme effroyable et oppresseur dont le rêve même ne peut pas effleurer l’esprit moderne. Ce n’est donc que par la libre fédération de nations autonomes répudiant les entreprises de la force et se soumettant à des règles de droit, que peut être réalisée l’unité humaine. Mais alors ce n’est pas la suppression des patries, c’en est l’ennoblissement. »3

Dans l’après-guerre, après la période d’occupation où – avec la Marseillaise – le drapeau tricolore était symbole de résistance au nazisme, le PCF revendique encore fièrement ce drapeau dans un sens révolutionnaire. Mais à partir des années 80, il est progressivement abandonné à l’extrême droite. Nous sommes alors entrés dans une longue période de paix que l’on imagine durable – en Europe en tout cas. La France se tourne vers l’intégration européenne, et les paramètres classiques de la souveraineté (frontières, hymne, drapeau national…) doivent s’estomper pour laisser place progressivement aux symboles européens. Là encore, le combat idéologique accompagne, voire précède les faits. Notre vision de la Nation et donc de ses représentations par les emblèmes est volontairement altérée.

Le FN s’en empare, les transformant en symboles non plus d’un patriotisme rassembleur mais d’un discours identitaire excluant une partie de la population de la communauté nationale. Le drapeau tricolore fait toutefois un retour en force depuis 2015, symbole de l’incarnation des valeurs républicaines de liberté, habilement instrumentalisé par l’oligarchie au pouvoir qui l’utilise pour signifier une unité nationale masquant les conflits sociaux, et justifier l’état d’urgence ou des guerres impérialistes à l’étranger.

Nous, insoumis revendiquons l’usage du drapeau mais nous lui donnons évidemment un autre sens, populaire et révolutionnaire: Comme lors de la bataille de Valmy, où le peuple se lève, sous l’étendard bleu blanc rouge, pour sauver et la patrie et la Révolution, brandir le drapeau tricolore c’est défendre la souveraineté nationale et populaire – et donc la démocratie – contre les « eurobéats » et contre la finance internationale. Il ne s’agit pas là d’une stratégie électoraliste, mais d’un véritable projet « indépendantiste » avec notamment la sortie de l’OTAN4 et la préparation d’un plan B de sortie de l’UE et de l’euro afin de restaurer la souveraineté des peuples5.

Cette souveraineté que nous revendiquons pour le peuple de France, nous la revendiquons également pour chaque peuple : et donc dans le même élan, nous dénonçons toutes les guerres menées par notre oligarchie pour piller les pays étrangers. Le protectionnisme de la France Insoumise est un protectionnisme « solidaire »6, qui attaque les productions non respectueuses des droits de l’homme ou de l’environnement, puisque nous prévoyons la réversion des droits de douane aux pays coopérant avec nous. Nous voulons également démanteler le Franc CFA, héritage colonial et instrument de contrôle que nous dénonçons.

Les insoumis ne font ainsi que revenir au message de Jean Jaurès, en conjuguant patriotisme et internationalisme par la coopération entre peuples libres et souverains.

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2 http://lvsl.fr/la-france-insoumise-face-a-son-destin « Le meeting du 18 mars, les drapeaux français, et le contenu historique et patriotique du discours, ont permis au mouvement de devenir plus transversal et de passer de l’incarnation de la gauche à l’incarnation du peuple. C’est d’ailleurs à partir de ce moment-là que Jean-Luc Mélenchon gagne des points dans les sondages et démarre sa dynamique». » Lenny Benbara

Collectif Citoyens Souverains
citoyenssouverains@gmail.com
8 Commentaires
  • Anne
    Mis en ligne le 16:05h, 11 septembre Répondre

    bonjour,
    d’accord avec tout ce que vous dites sauf :  » d’un véritable projet « indépendantiste » avec notamment la sortie de l’OTAN4 et la préparation d’un plan B de sortie de l’UE et de l’euro afin de restaurer la souveraineté des peuples5″
    Nous n’avons pas préparé la sortie de l’euro, et le plan B est la menace nécessaire à l’accomplissement du plan A ! ce qui n’est pas la même chose.
    cordialement,
    Anne Diaz

    • Humbert de Buttet
      Mis en ligne le 18:00h, 02 octobre Répondre

      Si tu crois que la simple menace d’un plan B, sans préparation et possibilité de l’exécuter (!!!) suffit à l’€urope et sa commission pour se coucher devant nos demandes souveraines et légitimes … je te laisse à tes espoirs, mais ils sont vains ! (demande à Tsipras, qui croyait qu’il suffisait d’être élu…)

  • Philippe André
    Mis en ligne le 22:45h, 11 septembre Répondre

    Mais qu’en sera-t-il du drapeau tricolore lorsque l’UE aura fini de démanteler le pays? Pourquoi JLM tient-il à cette UE dont l’obéissance à l’oligarchie est patente, ainsi que sa soumission à l’impérialisme des USA par son adhésion fusionnelle à l’OTAN ?

  • Stephen
    Mis en ligne le 01:28h, 14 septembre Répondre

    Comme le prouve Anne, vous vous trompez sur les intentions des cadres dirigeants de la FI, qui eux, n’ont jamais voulu récupérer une réelle souveraineté.
    Heureux de vous voir conscient de l’illusion du plan A, mais attristé de vous voir penser que l’aboutissement serait forcément votre ‘plan B amélioré’, alors que les manettes seraient entre les mains de ces quelques illusionnistes (et pas dans celles de votre collectif, malheureusement). Que pensez vous du plan T ? Alias planTé, alias plan Tsípras …
    Vous ne le savez pas encore, mais votre place est à l’Union Populaire Républicaine… A moins que vous soyez vous-même illusionnistes.
    Chaleureusement.

    • Humbert de Buttet
      Mis en ligne le 18:02h, 02 octobre Répondre

      Pas vraiment, en fait, nous avons monté cette association pour TRAVAILLER sur un plan B réalisable et surtout qui permettra la réalisation de notre programme (enfin, celui de la FI dont nous faisons partie) « L’avenir en commun.
      Personnellement, c’est pour ça que j’ai voté !

  • RAY
    Mis en ligne le 22:26h, 17 septembre Répondre

    OK d’accord mais il me semble un peu abusif de créer un lien de cause à effet entre l’apparition de drapeaux nationaux en meeting (évènement spontané ou préparé/incité par une direction politique, cela reste d’ailleurs à documenter) et le décollage du candidat Mélenchon dans les sondages… Perso je ne suis guère convaincu ! Et je trouve que la présence du drapeau rouge manque ! Car dans les premières décennies du 20ème siècle, c’est le drapeau rouge qui était revendiqué par le mouvement ouvrier et la Marseillaise étaient moquée ou sifflée…

  • Humbert de Buttet
    Mis en ligne le 18:04h, 02 octobre Répondre

    Voulez vous laisser l’usage de NOTRE drapeau (symbole républicain de notre pays quand même… !!) aux seuls tenants de la droite la plus dure : le FN et LR ?
    Moi non !

  • JP Boudine
    Mis en ligne le 12:12h, 07 février Répondre

    Mouais. Je n’ai rien contre le drapeau tricolore, drapeau des versaillais, mais aussi tout ce que vous dites en sa faveur. Je pourrais naturellement rédiger un texte en faveur du drapeau des ouvriers, des travailleurs, des communards, le drapeau rouge. Mettre en avant le tricolore, c’est mettre en avant « l’intérêt général » (prétendu), donc celui des classes moyennes et le prétendu « populisme ». mettre en avant le drapeau rouge, c’est mettre en avant les travailleurs ouvriers et paysans, les producteurs, la socialisme.
    En septembre dernier, à la République, il y avait heureusement pas mal de drapeaux rouges. Espérons au moins qu’il y aura cohabitation.
    Penser que c’est grâce au drapeau tricolore que Mélenchon est passé de 10 à 20%, c’est une mauvaise plaisanterie. Dans ce cas, dirons-nous « vive la troïka » pour passer à 30% ? Je dirais plutôt que nous n’avons pas convaincu les ouvriers et les chomeurs de voter, par manque de drapeau rouge et de volonté socialiste, et que c’est de là que pouvaient venir les 10% qui nous ont manqué.

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