
05 Déc Remporter les élections grâce au porte-à-porte
Les élections sont désertées par une grande partie de nos concitoyens, à l’exception peut être de l’élection présidentielle, sans pouvoir déterminer s’il s’agit d’une résistance durable. Quels sont les facteurs qui influencent la participation électorale et quel est le rôle des partis politiques dans la montée de l’abstention ?
Les campagnes électorales se sont progressivement dirigées vers les électeurs déjà actifs, plutôt que vers les abstentionnistes. Les campagnes en ligne diminuent les coûts de communication mais elles touchent avant tout les militants et les électeurs déjà engagés politiquement : l’utilisation d’internet n’a pas démocratisé l’accès à la sphère politique. Les contacts directs entre militants et électeurs ont peu à peu disparu, notamment avec le déclin des actions de porte-à-porte depuis les années 70. Les partis politiques semblent faire en général l’hypothèse que l’abstention est une donnée sur laquelle ils n’ont pas de prise, ce qui entraîne un cercle vicieux : les abstentionnistes ignorés se désintéressent encore plus de la politique.
Deux chercheurs américains, Alan gerber et Donald Green, ont émis l’hypothèse que l’absence de contact entre militants et électeurs était la principale raison de la montée de l’abstentionnisme. Ils ont vérifié leur hypothèse à l’aide d’une expérience contrôlée : ils ont divisé au hasard un échantillon de 30 000 électeurs de la ville de New Haven en 4 groupes (qui sont donc équivalents en moyenne) faisant chacun l’objet d’une technique de campagne différente : porte-à-porte, courriers personnalisés, appels téléphoniques et un groupe témoin. Les résultats montrent que c’est le porte-à-porte qui a le plus élevé la participation (12.8%) loin devant le courrier (2.5%) puis les appels téléphoniques (quasiment nulle). Dès 2004, les résultats de cette expérience n’ont pas manqué d’intéresser les stratèges politiques américains et le porte-à-porte a fait son retour en grâce au cœur des stratégies électorales. En 2008, 50 millions d’électeurs ont été contactés en porte-à-porte par 4 millions de volontaires faisant campagne pour Obama.
La solution préconisée pour lutter contre l’abstentionnisme, c’est finalement de remettre le contact humain au coeur de la campagne, et les meilleures actions de campagne (en terme de rentabilité électorale) sont celles qui privilégient le contact direct entre les électeurs et les militants politiques. Le but est de remobiliser sa base électorale (qui peut penser que c’est inutile d’aller voter) et d’inviter les indécis de gauche à voter pour Mélenchon plutôt qu’un autre. Faire changer d’avis un électeur de droite est possible, mais très long et fastidieux, et beaucoup moins rentable électoralement que convaincre un indécis de gauche. Certains indécis du FN, qui votent contre le système plutôt que pour les idées xénophobes, ainsi que certains électeurs de droite assez ouverts et souvent mal informés politiquement peuvent aussi faire partie des indécis que l’on peut convaincre ou sensibiliser efficacement avec quelques échanges !
Quelques idées reçues sur le porte-à-porte :
– « Le porte-à-porte ce n’est pas de la vraie politique » : le porte-à-porte contribue à la réduction des inégalités d’information, de compétence politique et de participation au sein de la société. Mais pour atteindre cet objectif, un porte-à-porte au moment des élections présidentielles est insuffisant, et il faudrait répéter et élargir l’expérience et les contacts entre militants et électeurs pour inclure le plus de citoyens possibles dans le débat politique.
– « A l’époque d’internet, cela a-t-il encore du sens de faire du porte-à-porte ? » : le porte-à-porte peut être encadré par des outils technologiques permettant notamment de cibler les quartiers les plus rentables électoralement en priorité et permettant de mettre rapidement en contact les militants et les sympathisants qui voudraient agir, ne serait-ce que ponctuellement !
Comment se déroule le porte-à-porte :
– le porte-à-porte est à faire quand les électeurs sont chez eux ! En semaine entre 18h30 et 20h, et le week-end,
– il faut compléter au fur et à mesure un carnet de bord et le retranscrire ensuite dans un tableur excel pour savoir combien de portes ont été frappées, combien de portes ont été ouvertes, combien d’électeurs étaient intéressés, quelles questions ou remarques ont été faites, quels sujets revenaient souvent ? Le but de ce tableau de bord est de mieux organiser le porte-à-porte, savoir quels immeubles ont été atteints et mieux se préparer si certaines questions reviennent souvent !
Autres recommandations :
– il est plus efficace de privilégier des messages positifs et encourageant ! Par exemple, il faut mieux dire : « on s’attend à une mobilisation record pour Mélenchon, est ce que vous en ferez partie ? », plutôt que « le taux d’abstention dans votre quartier est très élevé, votre vote est important »,
Le porte-à-porte est une manière d’être en contact avec les électeurs mais ce n’est pas la seule ! Ce que j’adore faire, quand j’ai du temps libre, c’est aller dans des lieux ou les gens sont disponibles (parcs, sorties d’école, terrasse de café, campus universitaire, etc) et de faire la même chose qu’en porte-à-porte. Sauf que là les gens sont moins étonnés. Ils apprécient souvent la démarche (ou me disent très vite s’ils ne sont pas intéressés), et ils me posent des questions sur certains points du programme ou me demandent de leur présenter un de nos axes. Ça m’a permis de parler avec un grand nombre d’électeurs et aussi d’améliorer mon discours et mon argumentation : quand je ne savais pas répondre à une de leur question, j’allais souvent me renseigner le soir sur le sujet ! Et je me dis que si jamais je ne suis pas très convaincant auprès d’un groupe, il ne s’agit que de quelques personnes, donc il n’y a pas de gros enjeux de ce côté là !
Je fais souvent ça à l’université et un des intérêts c’est que je peux très facilement parler à beaucoup de monde : je parle souvent à des groupes de plusieurs personnes, et quand j’ai fini le groupe suivant est à deux pas. Du coup je pense qu’en une heure je peux facilement parler à une trentaine de personnes en ayant eu un échange de quelques minutes avec chacune d’entre elle.
Voilà qu’en pensez-vous ? J’espère que ça vous aura convaincu de l’intérêt du contact direct entre militants et électeurs et donner quelques idées d’actions que l’on pourrait mener !
Timothée (Paris 12è)
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